Véronique À plein rendement
Nombre de messages : 120 Age : 70 Loisir : musique classique, écriture, amitiés, cuisine intérêt : sciences humaines (psy surtout), philosophie, littérature Date d'inscription : 05/09/2006
| Sujet: Si je croyais... Mer 1 Nov 2006 - 14:03 | |
| Chers Amis,
Voilà où me conduisent aujourd'hui mes échanges avec des croyants...
Ce texte m'a été inspiré par certaines conversations dont Mireille se souviendra, elle était là...
Drôle de "profession de foi" que celle-ci...
Mais il faut dire qu'elle est écrite par une agnostique...
1) Il n'est pas simple d'être agnostique.
Car si l'incertitude est un luxe, c'est un luxe coûteux : rien de plus irritant, rien de plus fatigant que cette incertitude qui vous interdit de ronronner dans le panier chaud et douillet des certitudes.
L'agnostique est comme le chat qui ouvre un œil et dresse une oreille au moindre craquement qui fait gémir un parquet dans une vieille maison silencieuse.
Je souhaite vous épargner un fastidieux préambule, alors permettez-moi de me référer, au titre des observations liminaires, à l'article sur l'agnosticisme en général et à mon point de vue agnostique en particulier, que je vous ai proposés en guise de présentations…
Vous aurez donc bien noté que je suis une agnostique "positive" : dans la vaste terre de mon incertitude, je suis davantage attirée par le chemin qui me mène à la réponse "oui" que par celui qui me conduit vers la réponse "non".
Mais je ne sais pas où aller : c'est cela, être agnostique !
2) Comment je suis devenue agnostique.
Il paraît que 50% au moins des femmes agnostiques sont nées d'une mère croyante et plus précisément catholique… (cette statistique est très sérieuse).
Pourquoi catholique ?
Sans doute parce que le catholicisme est la religion dogmatique par excellence.
Et je rejette farouchement, résolument, toute forme de dogmatisme.
La Vie s'est appliquée à développer sinon exacerber en moi : l'esprit critique, la soif de vérité nue, le souffle libertaire, la révolte contre toutes les formes de pharisianisme, l'aversion pour l'injustice, une quête humaniste qui vomit le racisme et la discrimination, le culte de l'amour, le refus de ce qui cloisonne, sépare, enferme, jugule, censure, aliène, obscurcit l'horizon, rétrécit le champ de vision.
Autant de repoussoirs contre le dogmatisme.
Pour moi, le dogmatisme est une prison, une absurde et intolérable prison.
Oiseau sur la branche, je suis prête à m'envoler dès que la grille d'une cage se profile, serait-elle dorée.
Mon "credo" : la liberté.
Quelle liberté ?
La liberté d'être, de penser, de sentir, de ressentir, de pressentir, d'écouter les voix polyphoniques de mes intuitions, aspirations, réflexions, méditations, interrogations.
Liberté d'oser, de provoquer, de choisir, de refuser, de me tromper.
De donner trop plutôt que pas assez.
Et de recevoir sans faire de manières.
La liberté d'aimer, tout simplement.
L'amour n'a pas de frontières, pas de mode d'emploi, pas de dictionnaire.
Pour aimer, il faut oser se dévoiler, montrer ses fêlures, sans exhibition mais sans crainte ni honte, et dire à l'autre : voici mes creux et mes bosses, et toi ?
L'amour n'aime ni les économies ni les comptes d'apothicaire.
Et il est "dangereux" d'aimer...
Mais à quoi bon avoir peur puisque la peur n'évite pas le danger…
L'amour peut être violent et rude, il ne peut pas être tiède ni frileux, pas davantage aveugle ou sourd, il est souvent audacieux.
Aimer, c'est prendre le risque de se brûler, d'être incompris, méconnu, trahi, c'est accepter de se fatiguer.
Car aimer, c'est fatigant…
Mais c'est le seul salut, ici et maintenant.
Il n'existe pas de manuel du savoir-aimer.
Et l'amour n'est pas un devoir à accomplir.
Il y a des gens que je n'aime pas et je ne m'en sens pas coupable.
Mais ceux-là, je leur ne ferai pas de mal, il me suffit de les ignorer.
"Rien de ce qui est humain ne m'est étranger".
Et Dieu dans tout cela ?
On y vient…
3) Sans quête spirituelle, point d'agnostique.
C'est ce qui différencie radicalement l'agnostique de l'athée.
À plus forte raison quand l'agnostique tend vers le "oui", à la recherche d'un "oui" qui se dérobe et se planque derrière tous les nuages du "non".
Agnostique née d'une mère catholique mais pas chrétienne, j'ai commencé par être athée.
Et pour faire bon poids, anticléricale.
Car après le baptême, la première communion, la confirmation, la communion solennelle, et la litanie de gloses sur l'infaillibilité pontificale, la messe en latin et autres poncifs, je suis naturellement passée par un temps de rejet totalitaire et féroce, avec intransigeance et sans nuance aucune, de la "Grande Boutique de Dieu".
Ce passage obligé ne fut qu'un passage, heureusement, tant il est vrai que tout rejet totalitaire est absurde et réducteur.
Est venu le temps de la libération, de la conquête de l'autonomie, de la construction d'une identité propre, affranchie des chaînes de la naissance, autrement appelées cordon ombilical.
C'est à peu près à ce moment-là que l'agnostique née d'une mère catholique pas chrétienne peut découvrir sa spiritualité (cela prend plus ou moins de temps selon le sujet…) : cela m'est arrivé un jour, sans que je le cherche, ma relation fusionnelle avec la Musique y étant sans doute pour beaucoup, à côté de mon travail d'introspection et de réflexion.
Car la Musique est par excellence le vecteur de la transcendance.
Et de la transcendance à la spiritualité, il n'y a qu'un tout petit pas.
4) Quand l'agnostique s'accoutume à sa spiritualité.
Oui, au début, cette spiritualité a les traits peu reluisants et les effets incommodants d'un parasite, une sorte de tumeur dont l'on voudrait se débarrasser.
Et l'on se dépêche de fabriquer des anticorps.
On commence donc par nier sa spiritualité.
Mais comme tout bon parasite ou bonne tumeur qui se respecte, cette spiritualité s'incruste.
À défaut de pouvoir l'éliminer, on la regarde alors de plus près, on l'inspecte sous toutes les faces et, à force, on s'y attache… c'est connu, parfois, l'on finit par s'attacher à sa verrue ou à sa bosse, en dépit de leur disgrâce…
Pour l'agnostique qui vous parle ici, la spiritualité, c'est la verrue ou la bosse que l'on n'est plus si pressée, à la longue, de voir disparaître d'un preste coup de bistouri.
Les amputés ont mal à leur membre disparu.
Agnostique, j'aurais mal à ma spiritualité éradiquée.
Bon, cette intruse est donc devenue une invitée dans ma vie.
Pas encore une compagne.
Moderato cantabile…
5) Quand la Vie donne un coup de main à la spiritualité.
Existe-t-il un profil standard de l'agnostique (à part la figure maternelle) ?
Oui, sans doute.
Enclin à la remise en cause constante et au questionnement insatiable et intransigeant : toute la Vérité sinon rien…
En quête de stimulations : le doute, la provocation, la contradiction, le paradoxe, sont les épices avec lesquelles l'agnostique exhausse le goût de sa pensée.
En proie à l'inquiétude.
Au total, l'agnostique standard est le plus souvent : intello, tourmenté, hypersensible au laid comme au beau, pénétré du tragique de la condition humaine et/mais avide de sublimation.
L'agnostique est-il insouciant ? non.
L'agnostique est-il paisible ? non.
L'agnostique est-il naïf ? non.
La vie intérieure de l'agnostique est un terrain miné par les grenades de son incertitude et de sa recherche.
Et il(elle) espère secrètement que la Vie voudra bien faire office de démineuse.
Il arrive que cette Dame s'y emploie complaisamment.
Le plus souvent à coups d'épreuves, de malheurs, de chagrins et de blessures.
Pas seulement, c'est entendu.
Mais c'est quand même ce qu'elle a trouvé de mieux pour aider l'agnostique à épouser sa spiritualité…
D'aucuns disent que les épreuves de la Vie mettent leurs certitudes à l'épreuve... ils veulent dire que leurs certitudes s'en trouvent ébranlées.
Moi, je dis le contraire : c'est mon incertitude qui s'est trouvée mise à l'épreuve par le malheur, l'absolu malheur.
Confrontée à la nécessité pour moi vitale de penser qu'une âme continue à vivre quelque part, je ne sais où, et que la trace de son passage en ce monde ne se réduit pas à un tas de cendres gisant sous terre, j'ai admis que ma spiritualité donnait de sérieux coups de pied dans la porte de mon agnosticisme et que cela me donnait du grain à moudre.
Plaisant équilibre et "juste retour des choses" : le plus souvent, donc, c'est ce qui met à l'épreuve la foi du croyant qui met à l'épreuve l'incertitude de l'agnostique.
6) Quand l'agnostique ne croit toujours pas mais aimerait croire.
Là est le pas décisif de l'agnostique qui a offert le gîte et le couvert à sa spiritualité.
Quand ce pas est franchi, le "non" ressemble à une régression.
Encore un petit effort et je serai croyante…
Tout doux, on n'y est pas…
Mais quand ce pas est franchi, l'heure a sonné pour l'agnostique d'affronter l'ultime question : "comment je croirais si je croyais"…
7) Dieu et moi…
Permettez-moi de vous présenter le Dieu auquel je croirais si je croyais…
Dieu me connaît, Il sait d'où je viens et Il sait que je reviens de loin.
Dieu ne me demande pas de me rogner les ailes, Il n'attend pas de moi que je transforme un oiseau migrateur en oiseau mécanique.
Dieu ne me demande pas non plus de faire comme si mon histoire commençait aujourd'hui, Il sait que ma construction, si bancale soit-elle, est faite de toutes les briques que je n'ai pas choisies mais avec lesquelles je me suis retroussé les manches et ai écorché mes mains pour qu'elle tienne debout.
Dieu sait que je suis une rebelle et un électron libre, et cela ne Le dérange pas.
Dieu sait que j'aime mes frères et sœurs humains, à ma manière baroque mais sincère et entière, et cela Lui convient.
Dieu sait que ma liberté me fait dédaigner le profit et les possessions matérielles parce que rechercher le profit et les possessions matérielles, c'est aliéner sa liberté et que ma liberté est inaliénable, et Il déplore que ma banquière ne soit pas d'accord…
Dieu sait que j'ai une "vocation" : pourfendre l'injustice et que je ne suis pas devenue avocat par hasard, avec une forte inclination à défendre le pot de terre contre le pot de fer, Il sait que ce n'est pas une sinécure alors, parfois, Il me donne un coup de main.
Dieu sait que ma seule manière de ne pas me laisser submerger par la compassion mais d'en faire quelque chose d'utile, c'est de rudoyer la souffrance de l'autre, sans ménagements, et Il préfère la rudesse à l'indifférence.
Dieu sait que je suis capable de violence et d'âpreté mais pas de méchanceté et jamais de froideur, Il sait que la vraie tendresse est parfois rugueuse, Il comprend pourquoi plus ça va, plus j'aime Verdi.
Dieu ne compte pas sur moi pour parler de Lui mais pour agir, là où je suis, dans la glaise du réel.
Dieu n'a pas besoin de moi pour prêcher sa cause, Il préfère que je la plaide, mais pas avec des mots ni des incantations, seulement avec des actes concrets et une certaine manière d'être au monde.
Il veut bien que je parle de Lui, mais seulement comme on aime à parler d'une personne que l'on aime.
Dieu sait que je ne L'ai jamais imploré dans les heures noires de ma vie et que je ne L'ai jamais supplié de sécher mes larmes, cela Lui a peut-être fait de la peine mais Il a compris pourquoi, Il m'a d'ailleurs peut-être tendu un mouchoir, sans que je m'en aperçoive, ce dont Il ne s'est pas offusqué.
Dieu sait que je ne me suis jamais référée à Lui pour cultiver contre vents et marées l'optimisme, la joie, le rire, le partage, la fête, la fantaisie, le goût des autres, mais Il s'en moque car Il se réjouit du spectacle.
Dieu connaît mon intime aspiration à l'harmonie, à la paix, à la fraternité, Il comprend pourquoi plus ça va, plus j'aime Mozart.
Dieu sait que je ne suis pas obéissante.
Dieu sait que mon âme est vagabonde.
Et donc, Dieu sait que je ne pourrai jamais aller m'asseoir sur un banc pour Lui dire ce que j'ai à Lui dire.
Dieu sait que je ne me sens bien dans une église que lorsqu'elle est vide et silencieuse et Il ne m'en veut pas.
Dieu sait que ce n'est pas par le biais d'une religion, quelle qu'elle soit, que je peux me relier à Lui.
Dieu sait que ma seule "religion", c'est d'aimer, avec toutes mes faiblesses, avec toutes mes forces aussi.
Dieu sait que ma seule manière de prier, c'est : accueillir le sentiment de plénitude et d'émerveillement que provoquent en moi la contemplation d'un paysage ou la puissance des émotions de ma musique, écouter les voix intérieures qui me disent que nous sommes venus au monde pour être heureux et pour casser la figure de l'adversité, faire le silence en moi pour capter tout ce qui est invisible mais présent.
Et Dieu sait qu'il n'existe pas une seule manière de croire en Lui, de L'accueillir et de Le reconnaître.
Dieu sait que je serai toujours "hors les murs" mais cela ne Le chagrine pas.
Dieu sait que si je crois en Lui, je croirai telle que je suis : libre.
Sans rendez-vous à heures fixes, sans protocole, sans révérences.
Parce que dans une histoire d'amour, il n'y a pas de rendez-vous à heures fixes, pas de protocole, pas de révérences.
Pas d'horloge qui sonne pour te rappeler que c'est l'heure d'aimer.
Et croire en Dieu, c'est une histoire d'amour.
(Sinon, j'efface tout ce que je viens d'écrire).
À chacun son histoire d'amour avec Dieu.
Coup de foudre, mariage d'amour ou de raison, passion dévorante, rencontre tardive.
Ou liaison mouvementée : "ni avec Toi, ni sans Toi"…
À chacun sa manière de vivre l'histoire d'amour, pourvu que ce soit avec amour, sans faux-semblant ni feinte.
Sur ce, Dieu me dit :
"Bon, c'est bien joli de parler ainsi de Moi, Je Me reconnais assez dans ce portrait, mais qu'attends-tu donc pour croire en Moi ?"…
À quoi je Lui réponds :
"Que Tu me fasses un peu la cour car, vois-Tu, je ne déteste pas me faire prier"…
;)
Amitiés.
Véronique | |
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Véronique À plein rendement
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| Sujet: le pot de terre contre le pot de fer : explication Ven 3 Nov 2006 - 6:10 | |
| Cher Richard,
La défense du "pot de terre" contre le "pot de fer", c'est la défense du faible contre le fort, du pauvre contre le riche, du "gentil" contre le "méchant", de la personne vulnérable contre "le reste du monde"...
Le patron des avocats est Saint-Yves, le sais-tu, et il représente cette défense symbolique "de la veuve et de l'orphelin".
Chaque année, les avocats catholiques du Barreau de Paris vont à une messe de Saint-Yves le jour dit.
Et en Bretagne, sa région d'origine, il a droit à une procession à laquelle participent maints avocats de France et... de Navarre.
Je ne me compare pas lui, naturellement !!!
Mais cette défense, je la connais un peu, beaucoup...
Amitiés.
Véronique | |
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