Agnès... assassinée, il y a cinq ans aujourd'hui

Cher Richard,

Merci pour cette pensée infiniment délicate, chaleureuse et tendre.

Je la cueille et la place dans le bouquet des pensées que, pendant
toute cette journée de sinistre et cruelle mémoire, j'ai tressé pour
Agnès.

Plantée au coeur du bouquet, ta pensée est la plus belle, la plus chatoyante, la plus soyeuse.

Affectueusement.

Véronique

Merci Véronique de me dire que le message fut un baume pour toi
Bonne journée, et à bientôt pour le plaisir de te relire.

Richard

Vendredi 1er décembre, Agnès était avec moi tout au long des heures.
Véronique le sait, nous en avons parlé...
Agnès était dans mon coeur.
Vraiment.
Pas seulement son souvenir, pas seulement sa mémoire. Non ! Agnès.
Agnès, et son amour, et sa présence.
Parce que je crois à la présence de ceux qui sont partis.
De ceux que notre vie ne sait pas lire dans l'aujourd'hui de Dieu.
Et que nos yeux ne peuvent pas voir.
Agnès était présente... et j'ai beaucoup interrogé Dieu.
Parce que pour moi, Agnès et Dieu, c'est une histoire d'amour.
Une histoire d'intimité. Pour l'éternité.
Comme la nôtre d'ailleurs, mais cela ne paraît pas vraiment.
Agnès et Dieu, ce sont deux vies qui se conjuguent ensemble désormais.
Et je disais à Dieu :
"Pourquoi as-tu permis une chose pareille ? Comment as-tu pu laisser faire ? Comment as-tu pu voir... et ne pas intervenir ?
Où est ta toute puissance ? N'interviens-tu donc jamais pour sauver les innocents ? Les martyrs ?"
Dieu était silencieux. Il ne me répondait pas.
Je déteste quand il est silencieux devant les questions graves.
Quand il n'a pas de réponse. Quand aucune réponse n'est possible.
Crédible.
Et puis, au bout d'un long moment, au milieu du silence, j'ai entendu la souffrance de Dieu.
L'inexprimable souffrance de Dieu.
Et j'ai compris...
Dieu n'a pas souffert davantage à la mort de Jésus sur la croix que le jour où Agnès est tombée sous les coups de son meurtrier.
Dieu ne souffre jamais autant que lorsque l'amour est assassiné.
Oui, j'ai compris, de nouveau, une fois de plus, que Dieu n'est pas tout-puissant.
Il n'est que Tout-Aimant.
Il ne sauve qu'en donnant son amour.
Et quand l'amour est refusé, sali, balayé, assassiné, violé, le coeur de Dieu est déchiré.
Alors, il se penche sur la terre, vers la terre, et il ressuscite, avec ses mains de créateur.
Il redonne la vie. La vie éternelle. La vie pour toujours.
En comprenant cela, j'ai eu un peu moins mal, parce que je sais, je crois, que la vie ressuscite dans le coeur de Dieu.
Agnès n'est plus assassinée, elle est vivante.
Et l'amour peut encore circuler.
De son coeur éternel à notre coeur nomade.
A notre coeur bouleversé.
A notre coeur inquiet.
Dieu n'est que Tout-Aimant.
Il cherche à nous aimer...
Il n'arrête pas de chercher.

Mireille

Comme j'aime ton message Mireille, tout plein d'espérance-active

Amitiés, Richard

Chers Amis,
Si ce n'est déjà fait, certains d'entre vous vont en entendre parler parce que "tout le monde en parle".
Et pour mes Amis qui ne vivent pas en France, je précise qu'il leur sera aisé de taper quelques mots-clés sur leur page d'accueil "Internet".
Tels que :
- meurtres du Pont de Neuilly, David, SDF, par exemple.
Aussi, je dois, au nom de l'affection que j'ai pour vous et par souci de
clarté, exposer ici cette incroyable, sidérante, stupéfiante nouvelle.
Il y a une quinzaine de jours, un homme (prénommé David, donc) est entré dans un commissariat de police des Hauts de Seine et, pour y "soulager sa conscience" (sic), il s'est accusé du meurtre de ma petite soeur Agnès, ainsi que d'un autre meurtre commis, au même endroit, six mois plus tard.
Pour rappel, un autre homme a été par deux fois déclaré coupable du meurtre d'Agnès et condamné à 18 ans de réclusion criminelle.
Il purge cette peine actuellement.
Informée de ce "fait nouveau", j'ai alors fait un total silence sur une
révélation "psychiquement irrecevable", sauf dans un cercle extrêmement
restreint de ma vie privée.
À la fois parce que :
- j'étais "sonnée",
- j'avais besoin d'assimiler et de "métaboliser" cette impensable nouvelle,
- je souhaitais prendre le temps de la distance et du recul,
- je suis passablement "autiste" quand la foudre me tombe dessus.
Mais mon silence est totalement disqualifié aujourd'hui car "tout le monde en parle", donc.
Ce matin, à la sortie du métro sur le chemin de mon usine à défense, j'ai
découvert la médiatisation du "fait nouveau" qui m'a à la fois médusée
et assommée.
J'ai vu, en pleine page d'un quotidien célèbre de l'hexagone, la photographie de mon Agnès, et j'ai lu ce qui allait avec.
Et depuis cette découverte, cela n'arrête pas.
Et ne s'arrêtera pas de sitôt.
Presse écrite, chaînes de télévision, stations de radio : "tout le monde en parle et tout le monde va en parler".
Avec, en filigrane, le spectre de l'erreur judiciaire dont aurait pu être victime celui qui a été jugé par deux Cours d'assises, en septembre
2004 et en novembre 2005.
Monsieur le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Nanterre (tapez "Philippe Courroye", vous trouverez), a fait aujourd'hui une conférence de presse et y a annoncé toutes les initiatives judiciaires
qui allaient découler du "fait nouveau" : ouverture d'une nouvelle
instruction contre ce "nouveau meurtrier tombé du ciel" et révision du
procès de celui qui a été jugé pour cela.
Rien à dire ni à objecter là-dessus (je suis et je reste avocat).
Mais c'est d'une violence démente, plus de six ans après les faits et tout ce qui s'en est suivi.
Voilà ce que je voulais vous dire.
Quand une histoire ne veut pas se terminer...
Au fait, nous sommes le vendredi 21 mars 2008, "Vendredi Saint", jour de la Passion du Christ, si je ne m'abuse.
Un jour qui, pour vous, a tant de sens.
Un jour qui, pour moi, aura le sens de la Passion de ma petite soeur Agnès, victime d'un supplice et d'un martyre innommables.
Supplice et martyre que le "hasard" du calendrier ravive aujourd'hui sur la place publique, allez savoir pourquoi.
Ce hasard ne me pousse pas à croire (en Dieu).
Il me rend plus agnostique que jamais, et vous le comprendrez, j'en suis certaine.
Amitiés.
Véronique

MERCI, MON CHER AMI RICHARD,
MERCI MES CHERS AMIS DE LÀ-BAS...,
Si je n'avais pas espéré votre soutien affectueux, je serais restée muette.
Bisous.
Véronique

Véronique, mon amie,

Comment ne pas avoir songé, en effet, à la passion du Christ en ce vendredi saint ?
Comment ne pas faire le lien ?
Et cela, même sans être un chrétien convaincu du statut d'un Homme-Dieu ?
Même sans croire à tout ce que racontent la Bible, les écritures, et la tradition chrétienne...

Un homme a souffert, il s'appelait Jésus, il est mort, sa dignité a été bafouée, son corps a été transpercé.
Une femme a souffert, elle s'appelait Agnès, elle est morte, sa dignité a été bafouée, son corps a été transpercé.
Cet homme, Jésus de Nazareth, n'en finit pas de mourir, car son supplice a déchiré tous ceux qui le suivaient et qui croyaient en lui.
Ta petite soeur, Agnès, n'en finit pas de mourir, car son supplice, aujourd'hui remis à la Une, déchire tous ceux qui l'ont aimée, qui l'aiment encore.

Et cette semaine, Semaine Sainte, on parle de Jésus, de sa Passion, pour ne pas oublier.
Alors pourquoi, cette semaine, semaine autant sainte, on reparle précisément d'Agnès et de son supplice qu'on ne peut oublier ?
Y aurait-il un lien ?
Oui, le seul lien possible. L'Amour.
La seule réalité qui peut nous déchirer et nous faire tant souffrir.
La seule réalité qui nous rappelle notre condition d'homme et toute sa splendeur.
Et sa tragédie.
Et sa fragilité.
Et son immense espérance.

Notre vie peut avoir mille autres dimensions, le succès, le prestige, la beauté, la fortune, le savoir, le statut, le talent, le mérite, le courage, la puissance... elle n'est plus rien lorsque nous sommes touchés en plein coeur.
C'est là que nous sommes capables de dire : "Je donnerai tout pour qu'elle revive, pour qu'il ne soit pas parti, pour qu'elle revienne, pour qu'il respire encore."
C'est là que nous réalisons que notre seule fortune, notre unique trésor, c'est l'Amour.
Aujourd'hui, Samedi Saint, la pierre de tombeau est fermée.
Le silence règne, dans toutes les églises du monde.
Les tabernacles sont béants, ouverts, vides.
Dieu semble mort.
Sans l'Amour, sans sa chaleur, son feu, sa lumière, sa force, c'est la nuit.
La terrible nuit qui ne s'achève pas...
Comme la nuit dans laquelle Agnès semble engloutie.
Certains disent que demain c'est la résurrection !
Certains y croient.
Certains l'espèrent.
Mais demain paraît si loin aujourd'hui.
Tout est si froid dans le silence du tombeau.

Dieu, si tu existes, si tu es véritablement Résurrection et Vie, rapproche demain de notre nuit.
Fais-nous voir les premières lueurs de l'aube.
Fais-nous croire que tout n'est pas fini.
Que l'Amour est sauf.
Et que la Vie ne meurt pas.
Dieu, si tu existes, roule la pierre de nos doutes...
Fais-nous voir la lumière.
L'éternelle lumière.
L'infini de l'Amour.

Mireille